Histoire des juifs d'Algérie |
Depuis les temps les plus
anciens, les juifs sont présents en Afrique du Nord, mais seul
parmi toutes les entités humaines présentes au Maghreb, le juif
a connu, sans perdre son identité, la longue série dempires
qui ont gouverné cette terre, depuis Carthage jusquà la
France.
Il est une tradition orale du Hoggar, selon laquelle les juifs
seraient à lorigine de lartisanat du fer dans cette
partie du monde. Les confins méridionaux du Sahara ont toujours
été hantés de royaumes juifs légendaires. Légendes, peut-être,
mais il est en revanche certain que les juifs sont arrivés avec
les phéniciens.
Des colons issus des tribus dIsraël se sont installés
avec les fondateurs de Carthage, à coté de Tunis. Ne disait-on
pas aussi Karta Hadacha, Carthage la juive ?
Une autre légende tenace est celle de lorigine
palestinienne des populations berbères.
Selon Flavius Josèphe, lors de l'invasion de la Palestine par
Ptolémée I, en -301, ce sont cent mille juifs qui, déportés
vers l'Egypte, seraient passés en Cyrénaïque (aujourd'hui le N.E.
de la Libye) et dans les autres de l'Afrique du Nord.
En l'an 40, Rome annexe la Maurétanie et la partage en deux
provinces, équivalentes au Maroc et à l'Algérie daujourdhui.
Dans la première
moitié du second siècle, de 100 à 180, c'est
l'immigration massive des juifs de Cyrénaïque et
d'Egypte, deux pays en rébellion contre Rome. De cette
époque datent plusieurs inscriptions juives qui ont été
retrouvées à Cirta (l'actuelle Constantine), à Kalfoun
près de Sétif où se trouve la tombe d'un JULIUS
ANTANIUS JUDEUS, et à Auzia (Aumale), la tombe
d'un POMPEIUS RESTITUS JUDEUS. Au troisième siècle, il existe une synagogue à Sétif et au quatrième siècle une autre à Tipasa. Les juifs de cette époque pratiquent les mêmes professions que les berbères ou les romains : ils sont négociants le long des côtes. Par exemple, ce sont les juifs de Carthage qui livrent le blé africain dans la capitale romaine. Dans les oasis, ils sont artisans ; ailleurs ce sont des bergers ou des agriculteurs ; les femmes filent la laine et confectionnent des vêtements. Saint Augustin qui vit à la fin du quatrième siècle (354-430) les traite de paresseux parce qu'ils observent le Shabbat (jour de repos hebdomadaire). |
La seconde destruction du
Temple n'a, semble-t-il, pas eu de grandes répercussions sur
cette diaspora ; mais pas plus quelle ne restera française,
lAlgérie nest pas restée longtemps romaine.
Au début de la domination arabe, les juifs sont implantés au
long des grandes voies commerciales, dans les ports, sur les
routes caravanières qui longent l'Afrique du Nord d'Est en Ouest
drainant le commerce de l'Europe et de l'Asie, sur les routes qui
coupent l'Afrique du Nord au Sud permettant le commerce avec
l'Afrique Noire et enfin dans les grandes oasis du Sahara comme
Segelmesse, Ghardaïa, Biskra, Ouargla.
La très grande dispersion des juifs du Maghreb a été pour eux
un atout dans leur lutte pour la survie : il leur était plus
facile de gagner leur vie car il y avait ainsi moins de
concurrence et ils étaient surtout moins vulnérables.
Aux langues d'origine, l'Hébreu et l'Araméen, les juifs ont
ajouté peu à peu, l'arabe, le berbère, l'espagnol et plus récemment
le français ou l'italien pour les tunisiens. Ils ont crée une
langue, le judéo arabe, qui leur a longtemps servi dans la vie
courante.
Mais l'hébreu est toujours resté la langue, seule employée
pour l'étude de la Thora et dans la prière synagogale ; l'hébreu
est aussi la langue des proverbes et des dictons, cette sagesse
populaire venue de la nuit des temps.
Les Vandales, dorigine germanique, établis en Espagne
depuis 406, sous limpulsion de leur Roi Genséric, décident
de conquérir lAfrique romaine : en mai 429, ils sembarquent
à Tarifa, Espagne, et par Oran, se dirigent vers la riche
Numidie (aujourdhui la petite Kabylie). Après la campagne
dItalie, en 455, Genséric ramène dans son butin, entre
autres objets précieux, les dépouilles du temple de Jérusalem,
rapportés à Rome par Titus après 70. Un siècle plus tard, ces
précieuses reliques seront ramenées à Byzance par Bélisaire,
général de lempereur Justinien, et vainqueur des Vandales.
De la longue domination romaine, rien ne subsistera. La langue
latine et le christianisme mirent certes plusieurs siècles à séteindre
mais lAlgérie médiévale fut islamisée et arabisée.
Dès 645, les Arabes font irruption en Afrique du Nord. On ne
peut parler de la conquête arabe sans évoquer, en quelques
mots, la Kahéna.
Son nom, en arabe, signifie, « la sorcière », ou «la
prêtresse », ou la « devineresse ». Berbère,
elle pratiquait la religion hébraïque. Cétait la reine
puissante dune tribu nomade de lAurès, les Djéraoua,
dont le territoire sétendait jusquaux montagnes du
sud tunisien. Générale et sorcière, son prestige était
immense. Les Chaouïas montrent encore aujourdhui le
repaire inaccessible quelle sétait aménagé près
de Baniane, à 40 Kms au nord est de Biskra, au sommet de lAhmar
Khadou. Ils chuchotent quil existe des grottes gardées par
des lions de bronze où sont emmagasinés ses trésors. Pendant
cinq ans, elle régna sur les Berbères puis le sort tourna. Elle
fut tuée vers 698 près dun endroit nommé depuis :
Bir El Kahéna. Sa tête fut envoyée en cadeau au Khalife. Sa
mort donna le signal de la reddition des tribus berbères judaïsantes.
Les Almoravides, dynastie berbère, conquirent ensuite le Maghreb
occidental : Tlemcen, Oran, Ténès, et Alger en 1082. Il
semble que les juifs neurent pas à souffrir de cette
occupation. Il nen va pas de même avec larrivée des
Almohades : conduits par Abd El Moumin, ils ne laissèrent
aux juifs dautre choix que lIslam ou la mort.
Nombreux seront ceux qui choisiront la conversion en attendant
parfois trois ou quatre générations les circonstances
favorables à leur retour au judaïsme.
A cette époque, il existe une communauté structurée à
Constantine, Béjaia (Bougie), Alger, Ténès, Mostaganem, Oran,
Tlemcen, Ouargla, Touggourt, Biskra.
Mers El Kébir est transformé en arsenal militaire.
Les Almohades sont remplacés par les Mérinides mais le sort des
juifs nest pas amélioré pour autant puisque selon
certains témoignages, il nexisterait plus en 1220 une
seule synagogue dans toute létendue du territoire.
En fait, quelques communautés subsistent tant bien que mal car dès
que pour une raison ou pour une autre des émeutes éclatent, ce
sont les Juifs qui en font les frais. Par exemple : en 1276
à Fès : 14 juifs sont tués.
Les Mérinides se maintiendront jusquen 1437.